« Kitty ! Viens m’aider à préparer le box d’Eon quand t’auras fini celui de Valefor ! »
La voix, masculine, résonnait dans toute l’écurie poussiéreuse ; une vieille bâtisse en bois qu’ils avaient pu acquérir pour une somme tout à fait modique et qu’ils s’étaient mis en tête de retaper afin d’y installer leur élevage de chevaux.
« J’arrive ! 2 minutes ! »
À l’aide d’une fourche, la blonde tapissait le sol du box humide de paille. Elle chantonnait, gaie, heureuse de cette nouvelle vie qui s’offrait à elle. À eux.
Parfois, elle venait essuyer son front avec ses guenilles, une chemise qu’on pouvait aisément deviner blanche derrière toute la saleté qui avait fini par lui faire perdre sa couleur immaculée.
Posant sa fourche contre un mur, la jeune femme pris quelques secondes pour regarder l’état de son accoutrement, d’un air perplexe. Elle s’y était habituée, à force, de ne se contenter que de vêtements de seconde main. En réalité, elle n’avait connu que ça et ne se faisait aucune illusion quant au reste de l’avenir ; à moins que leur élevage ne devienne si fameux qu’ils finissent par dresser les chevaux de la Garde, elle ne porterait que de vieilles fripes jusqu’à la fin de sa vie. Elle soupira, haussant les épaules « Qu’est ce que ça peut bien faire, de toute façon ?» pensa-t-elle, avant de rejoindre l’homme qui avait quémandé son aide quelques instants plus tôt.
« Alors, on ne sait pas préparer un box tout seul ? » dit-elle, un sourire en coin trahissant son air sarcastique.
- C’est la seule excuse que j’ai trouvée pour passer un peu de temps avec toi.
- Astucieux, comme toujours, Monsieur Ernst Corben. »
A ces mots, Kitanna vint furtivement embrasser sur les lèvres son mari, Ernst, avant de l’aider à rentrer quelques ballots de paille.
Ernst Corben… Un jeune homme simple, comme elle. Fils de fermier, le beau brun rustique typique de le Marche de l’Ouest, dont le corps et la musculature avaient été façonnés par de dures années de labeurs à la ferme.
« Tu as entendu ce qu’on raconte ? » lança-t-il tout en aidant sa femme à disperser la paille au sol.
- Non ? Dis-moi ?
- Apparemment, il ont recommencé. Chez les Molsen, cette fois.
- Quand tu dis « ils » tu veux parler de…
- Evidemment. »
Elle ne put s’empêcher de glousser.
« Ils »...
Deux énergumènes, une draenei et un elfe, qui avait été à l’origine de bien des rumeurs à la Marche. Au début, certains pensaient que c’était deux fantômes qui, n’ayant pas trouvé la paix, venaient hanter les exploitations des environs. D’autres disaient qu’il n’y avait rien, qu’ils étaient juste le fruit de l’imagination collective. En réalité, ils étaient tout ce qu’il y a de plus réel.
« L’père Molsen m’a dit qu’il les a retrouvés au fond de son étang en train de « jouer ». » Ernst coupa le moment de silence qui venait de s’installer, faisant rire à gorge déployée sa femme par la même occasion.
« Ils sont incorrigibles ! » pouffa-t-elle, finissant de préparer le box.
A peine eût-elle le temps de prendre un moment de répit, qu’une petite voix se fit entendre au loin. C’est alors qu’une charmante tête blonde aux yeux marrons, pas plus haut qu’un murloc, entra dans l’écurie, avant de sauter dans les bras d’Ernst, ce dernier l’accueillant tout sourire, le gratifiant d’un baiser sur la joue.
« Alors, mon fils, on vient embêter papa et maman ? »
« Mon fils » … ?
Elle ouvrit les yeux, sursautant. Elle avisa rapidement les lieux. Sa cabine. Sa bonne vieille cabine de l’Azuriel.
La lueur de l’aube commençait déjà à percer sa fenêtre, éclairant légèrement la pièce. « Alors, tout ça n’était qu’un rêve ? ». Ça l’était.
Elle se redressa légèrement, observant qu’une pile de plans d’expédition en vrac jonchait le sol. Elle ferma les yeux un instant, écoutant le crissement du bois dans lequel avait été fabriqué le vieux navire. Profitant de chaque seconde de ce précieux silence qu’elle aimait tant et qui devenait trop rare.
Elle finit par secouer la tête, se résignant à tenter de se rendormir. Alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre un univers nouveau, où tout était possible, une dernière idée vint lui traverser l’esprit : « Une famille. Ça ne doit pas être si mal. » avant de se rappeler qu’en fait, elle l’avait déjà trouvée, sa famille.
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